Ouest-France du vendredi 23 décembre 2005
Les députés légalisent le téléchargement
Coup de théâtre, mercredi soir, à l'Assemblée. Les députés ont voté deux amendements légalisant les échanges de fichiers protégés sur Internet. Une décision qui torpille le projet gouvernemental sur les droits d'auteur visant à combattre le piratage.
Contre l'avis du gouvernement, trente députés (sur 58 présents) ont adopté, mercredi soir, deux amendements au projet de loi sur les droits d'auteur. Ils plaident pour une licence qui permettrait de télécharger librement, pour un usage privé, une oeuvre protégée sur les réseaux peer to peer (P2P). Ces échanges, via un logiciel spécifique, ne sont pas illégaux en soi. Tout dépend de la nature du contenu échangé. Le droit d'auteur stipule, en effet, que toute diffusion ou reproduction d'une oeuvre requiert le consentement de son auteur. Télécharger un film qui vient de sortir en salle est puni par la loi, mais échanger des données personnelles ne pose aucun problème légal.
Alain Suguenot (UMP) et Christian Paul (PS) proposent de « clarifier » cette situation. Avec leur idée de licence globale, une redevance - de 4 à 7 € - serait payée par l'internaute au fournisseur d'accès contre le droit de télécharger. Cette taxe, qui serait redistribuée aux artistes, ne séduit pas le ministre de la Culture qui voulait instaurer des mesures de contrôle : « Elle ne profitera ni aux créateurs ni aux consommateurs », plaide Renaud Donnedieu de Vabres.
Les artistes divisés
Ces amendements torpillent le projet de loi sur les droits d'auteur, alors même que le gouvernement veut favoriser les offres payantes et « responsabiliser » les éditeurs de logiciels P2P. Car, comment un internaute pourrait, d'un côté, télécharger des films en toute légalité, et de l'autre, faire l'objet de sanctions pénales ? Une autre question resterait en suspens si le Sénat confirmait ce vote : quelle suite serait donnée à l'accord signé, mardi soir, autorisant le chargement de vidéos payantes à la demande, 33 semaines après la sortie d'un film ?
Du côté des artistes, ce premier vote est accueilli diversement. La Spedidam affirme avoir recueilli 13 500 signatures d'artistes-interprètes favorables à une licence. Mais des artistes en contrat avec des majors la fustigent. Michel Sardou interpelle les députés : « Si ma musique devient gratuite, je demande aux représentants de l'État de travailler gratuitement. »
Hier soir, Christine Boutin (UMP), favorable à la licence globale, a « mis au défi » Johnny Hallyday de venir s'expliquer à l'Assemblée. L'examen du texte a été suspendu à minuit et reprendra après le 17 janvier. Dans la nuit, par communiqué, Nicolas Sarkozy s'est prononcé contre les amendements votés par les députés.
Arnaud WAJDZIK.